Pierre Schrooyen, le regard tourné vers l’espace et les pieds bien sur terre… 

A l’occasion de la Journée mondiale de l’ingénieur, Gate.31 a rencontré  Pierre Schrooyen, Senior Research Engineer au sein d’un centre de recherche spécialisé dans la dynamique des fluides. 

 » L’axe de recherche sur lequel je travaille – depuis maintenant quelques années – concerne les écoulements à très haute vitesse et très haute température. On rencontre ce type d’écoulement, par exemple, lors de réentrées atmosphériques de véhicules spatiaux qu’il s’agisse de véhicules habités ou de satellites en fin de vie. 

Mon activité est principalement numérique c’est-à-dire qu’elle porte sur le développement de codes qui nous permettent de reproduire ce type de phénomène. Nous utilisons aussi ces codes pour analyser, designer, améliorer la conception de véhicules ou des satellites. La majorité des projets sur lesquels je travaille actuellement sont des projets de l’Agence Spatiale Européenne. »

Modéliser la rentrée des débris spatiaux dans l’atmosphère

Des centres de recherche belges comme le Cenaero et Von Karman Institute travaillent sur la problématique des débris spatiaux en modélisant les phénomènes qui se produisent lors de la réentrée d’un satellite dans l’atmosphère. 

 » Vu que l’eau recouvre plus de 70% de la surface de la terre, la probabilité que certains débris tombent à l’eau est bien entendu significative. Malgré cela et compte tenu du fait que certains éléments d’un satellite se désintègrent difficilement[1], nous aidons les fabricants de satellites à faire du « Design for Demise » c’est-à-dire garantir – lors de la conception d’un satellite – sa désintégration totale lors de sa réentrée dans l’atmosphère terrestre. »

Durant plus de 60 ans, nous avons envoyé des objets dans l’espace. Ces objets sont de plus en plus nombreux  à être en fin de vie, à se fragmenter et constituent un risque réel pour les autres satellites en orbite et pour la population sur terre. Il faut s’assurer, en les concevant, qu’ils soient totalement détruits en fin de vie.

Pierre Schrooyen

Qu’est-ce qui te motive dans ton travail au quotidien ?

« Les développements sur lesquels je travaille sont passionnants et très stimulants intellectuellement. Par ailleurs, j’acquière de nouvelles connaissances tous les jours et une journée ne ressemble jamais à une autre.  Le secteur spatial rassemble des passionnés, travailler à leur côté est particulièrement motivant ! »  

Voir un avion voler, un satellite évoluer dans l’espace et se dire que l’on y a contribué (même un tout petit peu), c’est un peu comme un rêve d’enfant qui devient réalité…

Pierre Schrooyen
Image ©️ Nikita Buch

Quels sont les nouveaux défis auxquels pourraient être confrontés les ingénieurs dans les années qui viennent ?  

« Le métier d’ingénieur connaîtra pas mal de changements dans les années qui viennent  du fait, entre autres, d’évolutions technologiques majeures. Dans le domaine de la recherche (qui est mon secteur), il me semble que le défi principal sera d’assurer une intégration intelligente de nouveaux outils liés par exemple à l’intelligence artificielle.  Ce sera un beau challenge pour les générations à venir ! »

Face aux enjeux environnementaux, de durabilité mais aussi l’avènement accéléré de nouvelles technologies, comment vois-tu le rôle de l’ingénieur ? De manière générale et en particulier dans le secteur spatial ? 

« Durant mes études à l’université, j’ai appris à ne pas être techno-optimiste / techno-utopiste c’est-à-dire à ne pas penser que la technologie va tout résoudre. Il faut se rendre compte qu’il y a une limite à l’apport et l’impact de la science et de la technologie. Par ailleurs, il faut être conscient du temps nécessaire pour que certaines technologies soient matures et utilisables. 

De manière générale, il faut être conscient et responsable. Si l’on envoie des satellites dans l’espace, par exemple,  il faut que ces satellites aient un plan de fin de vie et qu’ils ne polluent pas une orbite. Je suis clairement pour une utilisation consciente et respectueuse de l’espace. 

Je ne dis pas qu’il faut diaboliser l’espace pour autant. Loin de moi cette idée ! Car n’oublions jamais que des phénomènes majeurs tel que le réchauffement climatique ont été découverts à partir de l’espace et que bon nombre d’applications (géolocalisation, navigation, étude des phénomènes météorologiques, etc.) utilisées sur terre ne fonctionnement que grâce aux satellites qui gravitent au-dessus de nos têtes… « 

Peux-tu partager l’une des réalisations-contributions professionnelles dont tu es le plus fier ? 

« C’est difficile car j’ai déjà connu pas mal de chouettes moments  dans ma petite carrière. Je dis petite carrière car je suis encore jeune (sourire) mais je dois avouer que le moment dont je suis le plus fier est et reste ma défense de thèse(*) car c’est un travail de longue haleine (4 ans) et que c’est ma thèse qui est à la base de mon activité professionnelle. » 

Si tu avais un message à passer à un.e jeune qui souhaite se lancer dans des études d’ingénieur.e. Quel serait-il ?

Je dirais que ce n’est pas un mauvais choix (sourire). Quel que soit le secteur qui l’intéresse, des études d’ingénieur lui donneront le bagage et les outils nécessaires pour évoluer dans ce secteur. Il ne faut pas croire qu’en démarrant ce type d’études, on entre dans une activité de niche. Un jeune qui fait des études d’ingénieur peut très bien travailler dans le Biomédical, le Spatial, l’Aéronautique, l’Energie, .. Pour quelqu’un qui est curieux, c’est un excellent choix d’étude ! 


(*) Numerical simulation of aerothermal flows through ablative TPS

[1] On pense par exemple aux pièces massives de grandes dimensions, aux réservoirs qui sont souvent recouverts de matériaux proches de ceux utilisés pour protéger les capsules ou encore aux instruments optiques.

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