Une femme à la tête du musée de l’Air et de l’Espace à Paris-Le Bourget

C’est un lieu que nous sommes nombreux à connaître et à avoir visité : le musée de l’Air et de l’Espace à Paris-Le Bourget, le plus ancien musée aéronautique au monde !

Derrière cette « institution » se trouve une femme : Anne-Catherine Robert-Hauglustaine est Directrice du musée depuis 2018. 

Anne-Catherine Robert-Hauglustaine. Photo © Charlotte Aleman

De Liège à Paris 

D’origine belge et diplômée en Histoire de l’Université de Liège, Anne-Catherine Hauglustaine a poursuivi sa formation par une thèse en Histoire des sciences et des techniques à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. « C’est une spécialité qui est peu commune chez les historiens. Nous choisissons généralement une période et nous nous y tenons durant toute notre carrière. Ce qui m’intéressait moi, c’était l’histoire des procédés des soudages des métaux, c’est ainsi que j’ai croisé le monde de l’industrie et celui de l’aéronautique. »

Comment êtes-vous arrivée à travailler au musée de l’Air et de l’Espace ? 

« C’était clairement un rêve et j’ai décidé de postuler pour la fonction même si celle-ci avait été occupée, jusque-là, par des pilotes ou des profils militaires. Ma carrière avait toujours été liée aux musées et à l’histoire puisque je suis Professeur à l’Université de la Sorbonne. Lorsque j’ai appris que le poste allait se libérer, j’ai envoyé mon CV… En janvier, cela fera 6 ans que j’occupe ce poste !» 

La médiathèque-ludothèque © Frédéric Cabeza
Vivre une expérience « in flight » en consultant les ressources audiovisuelles du musée et de ses partenaires depuis un siège d’Airbus A380.

Qu’est-ce qui vous motive le plus dans cette fonction ?

« D’abord et avant tout, je suis quelqu’un de passionnée donc je trouve que tout ce que l’on fait est passionnant ! La fonction est diversifiée ; je m’occupe à la fois de la gestion du musée, du volet RH, du budget, du volet scientifique, des collections, … C’est, par ailleurs, un musée unique car vous travaillez sur des collections atypiques et de grandes tailles. Lorsque vous arrivez le matin et que vous savez que vous devez gérer une problématique liée à la corrosion d’une Caravelle ou trouver un échafaudage pour démarrer la restauration d’une fusée, vous vous dites que votre travail est tout simplement unique ! Je dis souvent qu’il ne faut pas avoir peur lorsque l’on vient travailler au musée de l’Air et de l’Espace car tout est grand et relativement cher, il faut trouver des solutions chaque jour à chaque défi. Ce qui nous occupe, par exemple aujourd’hui, c’est la réhabilitation des halls A et B pour accueillir une salle d’exposition permanente dédiée à l’aviation civile, commerciale, légère et sportive post ’45, un chantier d’envergure baptisé Astreos

Comme vous le constatez, aucune journée ne se ressemble et les défis sont de taille… à la hauteur des objets historiques que nous exposons (sourire). Heureusement que je peux compter sur une équipe formidable d’environ 110 collaborateurs dont les activités couvrent les 25 hectares des halls d’exposition, des réserves et des ateliers de restauration.

Aérospatiale-BAe Concorde Sierra Delta 213 F-BTSD Air France, Hall Concorde
© Vincent Pandell
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Un autre volet important de mon travail est aussi la représentation que ce soit auprès des collègues, des différents ministères, de l’international. Nous entretenons, par exemple, des relations avec le Japon mais aussi avec le Brésil, les Etats-Unis, l’Allemagne, la Belgique bien sûr… que ce soit pour échanger sur des sujets scientifiques, culturels ou pour développer des projets en partenariat, … »

Quels sont, selon vous, les grands défis du musée pour les 5 prochaines années ? 

« Lorsque je suis entrée en fonction, le défi était la réouverture de la Grande Galerie dans l’aérogare historique du Bourget, un véritable bijou Art déco. Il fallait aussi repenser le parcours du musée. Aujourd’hui, le défi, pour moi, consiste à poursuivre cette transformation qui s’avère essentielle du fait de l’arrivée du métro en 2027 ! Nous devons être à même de recevoir un nouveau public. Le musée accueille 220 000 visiteurs/an et le Salon du Bourget qui a lieu tous les deux ans amène 140 000 visiteurs supplémentaires au musée pendant une semaine. Avec l’arrivée du métro et une connexion pratiquement directe avec le centre de Paris, nous monterons probablement à 500 000 (voire plus) visiteurs/an, c’est toute l’infrastructure qui doit être repensée/adaptée : les restaurants, la capacité du planétarium, les présentations, la programmation scientifique et culturelle, ….»

Véritable bijou Art déco, la Grande Galerie est un lieu exceptionnel consacré aux origines de l’aérostation, de l’aviation et la Grande Guerre. © Vincent Pandelle

Acteur de la sauvegarde et de la mise à disposition du patrimoine

« Grâce au soutien financier du Ministère des Armées, nous sommes à même de mener de grands programmes de numérisation de nos fonds historiques que ce soient des plans d’avions, des photographies (environ 500 000 fichiers photographiques), des affiches (nous avons une des plus belles collections d’affiches historiques du début du 20ème siècle et 1930 par exemple), … Tout ce travail de numérisation est en cours ! En se rendant à la médiathèque du musée de l’Air et de l’Espace, le visiteur peut retrouver toutes les ressources et les bases de données qui lui permettent de découvrir le riche patrimoine du musée. »

Plan extrait d’un rapport de 1926 sur des essais de vols de nuit réalisés par la compagnie Air Union

Le choix politique, un élément essentiel pour la sauvegarde du patrimoine ?

« Nous avons la chance, aujourd’hui, d’avoir un Ministère qui a la volonté politique de préserver son patrimoine ! A côté d’un choix politique, il faut une relation de confiance et accepter que les programmes se réalisent à 5-10 ans et non pas à court terme. Enfin, il faut aussi les bonnes personnes ; des professionnels dont c’est le métier. Vous ne mettriez pas un pilote non professionnel à bord d’un avion sous prétexte qu’il n’y a pas d’argent… Gérer un musée, son patrimoine, accueillir un public, … est un métier ! C’est un point que je défends avec conviction.»

Un mot en guise de conclusion ? 

«Après 6 ans à la tête de ce beau musée, je dirais que le métier de Directeur/rice de musée nécessite une bonne dose de passion et de ténacité (sourire) mais le résultat et la satisfaction que cela procure sont incomparables !»