Rencontre avec Stéphane Burton, un entrepreneur à la tête du groupe aérospatial belge Orizio

C’est dans les locaux de SABCA, situés à deux pas de Brussels Airport, que nous avons rencontré Stéphane Burton, le CEO du groupe Orizio. Dans une salle décorée de maquettes d’avions civils, militaires et de fusées, véritables témoins de la contribution de la Belgique aux développements aéronautiques et spatiaux de ces dernières décennies. 

Entre deux réunions, le CEO d’Orizio nous a reçus de manière très cordiale pour une discussion à bâtons rompus sur l’activité aérospatiale belge et les perspectives d’avenir du  groupe Orizio. 

Pour rappel, Orizio est actif sur les structures et équipements d’avions civils et militaires, de lanceurs spatiaux (structures et actionneurs) et dans la maintenance d’avions civils et militaires. Bientôt dans le recyclage d’avion…

Suite à l’intégration de Sabca et Sabena Engineering, quel bilan tirer ? Quel est, aujourd’hui, le positionnement d’Orizio ? Et comment voyez-vous l’avenir du groupe ?

Nous avons réalisé l’acquisition de SABCA en 2020 ; le moment s’est avéré délicat vu l’émergence de la crise covid et les difficultés liées à la baisse des volumes de production des grands constructeurs d’avions. Aujourd’hui, la demande est là mais l’offre n’est pas encore à même de suivre car la supply chain n’est pas entièrement rétablie. 

Le contexte de la pandémie a, par contre, pu être transformée en réelle opportunité pour Sabena Engineering et les activités « MRO » du groupe Orizio. Durant la crise du covid, l’activité cargo fonctionnait à plein régime et le ralentissement des activités a pu être mis à profit pour mener rapidement à bien l’intégration de la division MRO du groupe Orizio, regroupant l’ex-Sabena Aerospace et l’ex-Sabca MRO, ainsi que l’ex-Lufthansa Technik Brussels ! Aujourd’hui, l’activité MRO  arrive à maturité et affiche un chiffre d’affaires 50% supérieur à 2019.  

Si l’on se projette en 2024, nous allons – sauf nouvelle crise  – sur une bonne année pour Sabena Engineering. Nous avons renouvelé des contrats long terme autour des pôles défense et aviation commerciale et nous avons développé de nouveaux produits, notamment suite à  l’acquisition de Lufthansa Technik Brussels qui a une activité moteur et un service dédié pour les sociétés de leasing d’avions. Nous sommes aussi devenus propriétaire, à 70%,  de la société Aircamo, une entreprise anglaise spécialisée dans la gestion de navigabilité et le support moteur, notamment pour les sociétés de leasing d’avions.

En parallèle, Sabca démarrera, en 2024, la livraison de nouveaux produits en aérostructure composite et la finalisation de la production de ses nouveaux équipements d’actuation électro-mécaniques.

En résumé, le groupe Orizio reste dans une phase de croissance générale, et ce, pour ses deux filiales. Les perspectives d’avenir sont réjouissantes car nous voyons poindre la fin de l’impact covid et nous poursuivons nos activités en ayant à la fois diversifié notre portefeuille produits et clients. 

Où en est le projet d’installation d’un site de démantèlement d’avions en Belgique ? Quelle serait la plus-value d’Orizio et quel est le ROI d’une telle activité pour la Belgique ? Quel avenir pour les matériaux recyclés ?

Pour Orizio, ce projet est avant tout un projet de recyclage des matériaux issus de l’aéronautique. La flotte d’avions commerciaux est estimée à près de 35 000 appareils et pourrait atteindre 46 500 vers 2040. Plus de la moitié de la flotte actuelle sera mise à la retraite dans les 5 à 7 ans qui viennent. Jusqu’à présent, le coût de démantèlement des avions et du recyclage des matériaux est suffisamment important pour que de nombreux opérateurs décident de les entreposer dans le désert aux Etats-Unis ou ailleurs… L’Europe estime, quant à elle, qu’il est indispensable de favoriser le recyclage plutôt que de procéder à l’extraction de nouveaux matériaux. 

En partenariat avec le groupe Comet, nous avons ainsi lancé une pré-étude qui a permis de générer un modèle économique. Nous avons aussi choisi de nous allier à un centre de recherche pour prendre en charge l’étude du recyclage des matériaux composites. Une fois extraits, les matériaux seront revendus à l’industrie par la société Comet. C’est une initiative conjointe.  

Pour Orizio, l’intérêt d’un tel projet est double ; c’est d’abord contribuer à l’activité recyclage en tant que telle. C’est ensuite en apprendre davantage sur les spécificités des matériaux recyclables pour les intégrer dans de nouveaux développements afin de concevoir des éléments toujours plus faciles à recycler. Cela relève de nos compétences et de notre responsabilité ! C’est une manière de contribuer à la décarbonation du secteur. Enfin, cela nous permettra aussi d’améliorer et d’optimiser nos processus de maintenance. 

La Belgique est un petit pays à la pointe en matière de recherche et de construction aérospatiale. Quelle est, selon vous, la plus-value de la Belgique sur le marché Aerospace et Défense mondial aujourd’hui ? Quelle est sa particularité ? 

Ce qui caractérise la Belgique, c’est à la fois l’humilité et la compétence. Les acteurs Aerospace-Défense belges ont développé une stratégie de niche. Dans ces secteurs de niche, ils s’attachent à être des leaders mondiaux même s’ils le revendiquent humblement (sourire) : la motorisation, l’aérostructure, les ailes du futur ne sont que quelques exemples de domaines dans lesquels la Belgique se distingue et excelle. Parallèlement, nous bénéficions de l’expertise de centres de recherche et d’universités à la pointe dans les technologies spatiales et dans le développement de technologies disruptives permettant à la Belgique d’être acteur de la décarbonation du secteur aérien.  

Enfin, je tiens à souligner le renforcement des politiques industrielles développées, ces 3 dernières années. La DIRS favorise le développement et la pérennisation d’une base industrielle et technologique de défense performante et positionne la Belgique comme un partenaire technologique pertinent, fiable et compétitif.

L’année 2023 se termine, quels seront les moments forts de l’année 2024 pour le groupe Orizio ?

Le 28 mars 2024 sera l’un des moments forts de l’année car nous célèbrerons le centenaire de l’aviation en Belgique ! Cette célébration sera aussi, pour Orizio, l’occasion de réattirer les jeunes vers l’industrie de l’aéronautique ; un secteur qui permet de combiner à la fois la passion avec un métier qui a du sens et qui offre de réelles possibilités d’acquérir des connaissances techniques et ce, au sein d’un environnement où prévaut encore et toujours la notion de camaraderie … 

L’année 2024 sera aussi marquée par la livraison des premiers éléments d’empennages horizontaux (« Horizontal Tail Planes ») pour les F-35. 

Image ©️ Lockheed Martin Aeronautics Company, Fort Worth, TX. Lockheed Martin Photography by Todd R. McQueen.

Un second projet pour lequel SABCA a été sélectionné par Lockheed Martin porte sur les revêtements d’ailes inférieures de l’avion de combat furtif de cinquième génération. Basée sur une technologie innovante de fabrication composite par placement automatisé de fibres (« Automated Fiber Placement », AFP), cette compétence pourra, par la suite, être déployée sur d’autres programmes de type « Wings of the future » qu’ils soient militaires ou civils. A suivre donc…

Image F-35 ©️ photo credit Lockheed Martin.

Images ©️Orizio